BENIN: Conditions de vie des enfants dans les couvents vodoum

En 2014, ce sont mille cent soixante-cinq (1165) enfants dont cinq cent soixante-douze (572) filles qui étaient hors du système scolaire du fait de la pratique du vodoum, une croyance traditionnelle au Bénin. Cela a poussé le gouvernement à lancer le projet « zéro enfant dans les couvents vodoum».

Des enfants au sein d’un couvent dans le mono, Crédit photo : Journal la Nouvelle tribune  

L’envoi d’enfants par des parents dans les centres d’initiations sont liés à des questions de maladies, d’héritage, de prêtrise émanant de la révélation du fâ (fâ : technique d’art divinatoire).  Honorat Agoï, alias AV a été initié à l’âge de 12ans au sein d’un couvent dans la commune d’Abomey-Calavi.

Avant de l’y envoyer, son visage a été attaché à l’extérieur du couvent, il confie avoir marché sur ces genoux pour le faire. Au cours des rituels, le prête du ORO, a interpellé la divinité pour présenter ses offrandes qui sont composés de moutons, poulets, pigeons, farine de maïs, huile rouge, tomates, oignons, piments, liqueurs, clous de girofle et colas.Ensuite, « j’ai été fouetté, j’ai bu une potion qui m’a mis en relation avec la divinité afin de comprendre son langage. On m’a fait des scarifications, j’ai reçu des explications sur les interdits et les comportements à adopter » dixit AV.

Agé de 15 ans, Aline Gnonhoué a passé une année au sein du couvent ‘’ Sakpata’’ à Agolin Houégbo dans le département du zou suite à son état de santé. Elle a été tourmentée par des esprits qui perturbent son sommeil de jour comme de nuit. La médecine moderne ayant montré ses limites, ses parents se sont référés au grand féticheur du village. Après la consultation du fâ, Aline a subis des rituels et a été consacrée à la divinité Sakpata car ses parents ont imploré autrefois le secours de cette divinité pour sa conception.

D’après Plan International Bénin, le vodoum estime que de nombreuses maladies sont causées par des esprits, et seuls les chefs suprêmes peuvent soigner. Les enfants malades des communautés vodoum sont donc confiés à des couvents gérés par ces chefs, où ils seront « soignés ».Ces enfants, placés dans les couvents, peuvent y rester jusqu’à 7 ans, complètement déconnectés du monde extérieur. Ils chantent, dansent et apprennent un nouveau langage, mais ils ne reçoivent aucune éducation. Ils sont peu nourris et n’ont accès à aucune installation sanitaire. De plus, ils sont exposés à de nombreux dangers : scarifications, souvent avec des couteaux ou des rasoirs sales, punitions corporelles et même abus sexuels, en particulier pour les filles, que l’on trouve en très grand nombre dans ces lieux. Les enfants ne sont finalement rendus à leur famille que lorsque les oracles jugent qu'ils sont guéris. À ce moment-là, il est déjà trop tard pour de nombreux enfants qui ne pourront pas rattraper leurs années perdus.

Zéro enfant dans les couvents vodoum

Un projet « Zéro enfant dans les couvents vodoum » a été initié par l’ex ministre des affaires sociales Bintou Chabi Adam dans les départements du sudà raison du fort taux de présence des couvents dans cette partie du pays. Selon des chiffres d’un recensement mené en mars 2014 dans les communes de Toffo, Allada, Bohicon, So Ava, et Za-Kpota, 432 couvents ont été révélés.Plan International Bénin, en partenariat avec l’association locale RESPESD, et d’autres associations de défense des droits de l’enfant ont aussi participé au projet. Grâce aux sensibilisations et plaidoyer auprès des chefs vodoum du Bénin, la durée maximale de séjour des enfants de plusieurs années est réduite à 3 mois, et si possible pendant les vacances scolaires.« Nous ne pouvons pas empêcher que les enfants aillent dans les couvents cela fait partie des croyances vodoum. Mais nous avons réussi à convaincre les grands prêtres que l’éducation d’un enfant était primordiale pour son futur »,dixit Michel Kanhonou, responsable du programme à plan international Bénin.

Une place sans exagération central dans la société

Le temple de Sato à Gunli à Agonlin Covè, Crédit Photo : Ismène Kpédjo

Reconnu officiellement, 11% sur les 11 millions d’habitant affirment leur appartenance au culte vodoum d’après l’association des dignitaires du Bénin. Selon le sociologue des religions, Dodji Amouzouvi professeur à l’université d’Abomey-Calavi « le vodoum occupe une place sans exagération central dans la société au Bénin qu’on y croit qu’on y croit pas ». Le vodoum impacte tous les paliers de la société béninoise quel que soit la dimension politique, culturel, écologique et le vécu quotidien. Instauré depuis 1990 par l’ex président de la République Nicéphore Soglo, la fête nationale du vodoum est célébrée tous les 10 janvier. Cette date est retenue officiellement et déclarée férié.

Le vodoum est  centrée sur quatre éléments du cosmos, l’eau, la terre, l’air et le feu. Elle comporte plusieurs divinités et chaque village, famille, clan, corporation honore une divinité qui lui est propre.  Au cœur de ce culte, il existe la divinité hêvioso qui est représenté par un bélier. Elle est le dieu du tonnerre et  présent dans l’ensemble des phénomènes atmosphériques.  Dangbé, le dieu de la fécondité, agbe ou hou la divinité de la mer, ogoun, le protecteur des forgerons et de ceux qui partent à la guerre ou encore toxosu, le roi des eaux.

La relation avec les divinités vodoum est établie au cours de cérémonies, des rituels accompagnés de chants, de danses ainsi que prières afin d’entrer en contact.  Selon les révélations du fâ, des offrandes sont apportées aux fétiches, qui sont les représentants abstraits des divinités vodoum. En effet, par les prières et les sacrifices offerts à la divinité, cette dernière va procurer des bienfaits à celui qui la sollicite (de bonnes récoltes, une nombreuse descendance, la guérison).